Sunday 17 March 2013

La fable de l’évaluateur évalué


La fable de l’évaluateur évalué

« T’as eu quelle note ? » Réplique typique de l’élève - du primaire au lycee - soucieux de sa réussite personnelle mais aussi de sa réussite par rapport aux autres.
Pour nous, élèves, enfermés dans une journée de presque 10h, swinguant du bâtiment primaire à celui de la British section, entre contrôle de géographie et trajet de 35 minutes dans un bus destination Raynes Park, nos professeurs ont toujours été professeurs. Des individus responsables du dur labeur qu’est la fonction d’écolier, qui se distraient en lisant des bêtises dans les copies les plus drôles. Difficile d’imaginer son prof de maths en train de manger une pizza devant son téléviseur. Et pourtant si : les enseignants, des gens, comme vous et moi.
Pour beaucoup d’entre nous, la visite de l’inspecteur a toujours été moment  de pure satisfaction : quel plaisir de voir le professeur suer devant son tableau ! Mais rarement avons-nous pensé que ces gouttes de sueur étaient semblables aux nôtres à la veille de la récitation d’une tirade d’Harpagon ou de Cyrano.
Jusqu’à présent, nos enseignants recevaient une petite visite d’un « supérieur » en la matière pour être notés sur 60 tandis que le chef d’établissement donnait une note sur 40 ; c’est un total sur 100 qui décidait de leur carrière professionnel : une échelle de onze niveaux sur laquelle pas supérieur égale plus gros salaire. Système qui a priori fonctionnait si ce n’est que les inspecteurs manquaient d’assiduité dans leurs tournées ; par conséquent des professeurs inspectés plus régulièrement escaladaient l’échelle bien plus vite que d’autres qui grimpaient doucement.
Fin 2011, le ministère de l’éducation nationale, qui trouve ce système désuet, vieillot et moins efficace qu’il ne devait l’être autrefois, lance un projet de loi qui supprimerait la note sur 60 des inspecteurs afin de donner toute puissance aux proviseurs désormais en charge du parcours professionnel des professeurs. Contestations immédiates de la part de syndicats et professeurs et grève du 15 décembre dont nous avons tous été victimes (victimes ou profiteurs ?). La grande question se dresse : « Comment un proviseur, professeur de Lettres classiques par formation, pourrait-il évaluer et décider de la carrière d’un enseignant en science-physique ? » Petite entrevue avec Monsieur le proviseur pour observer le problème de plus près.
En effet, même si les proviseurs n’ont pas leur mot à dire dans la compétence disciplinaire des enseignants, ils semblent les plus à mêmes d’évaluer les professeurs qu’ils connaissent bien, étant constamment sur le terrain. Il y aurait des interviews proviseur/professeurs dont les critères seraient les suivants :
-capacité de l’enseignant à faire progresser chaque élève ;
-compétence didactique soit la capacité à faire passer le message pédagogique dans le cadre d’un cours ;
-pratique professionnelle et investissement dans l’action collective du projet d’établissement ;
-qualité du cadre de travail.
La fonction d’inspecteur ne serait pas totalement effacée puisque les proviseurs, en cas de difficulté d’évaluation, pourraient toujours y faire appel. Tout ceci dans le but d’établir un système plus souple et efficace sur place afin de régulariser l’ascension des enseignants sur l’échelle professorale : chaque enseignant monterait d’un cran tous les trois ans, cette période pouvant être raccourcie selon la décision du proviseur.
Mais tout le monde ne voit pas ce changement comme justifiable : de nombreux professeurs ont manifesté leur mécontentement le jour de la grève car la plupart refuse de se faire évaluer par un supérieur hiérarchique incompétent dans leur discipline. D’après le site du SNES (Syndicat National des Enseignant de Second degré) il s’agit d’un projet inacceptable et d’une « agression frontale » contre les enseignants ; le SNES voit cette annonce de réforme comme une marque de mépris à l’égard du travail accompli par les professeurs dans leurs classes.

Importante polémique, débats, querelles. Tout ceci n’est cependant,  pas encore définitif : il ne s’agit que d’un projet très susceptible d’être établi mais le SNES plus déterminé que jamais ne se laissera pas faire. Sera-t-il voté ? Peut-être faudra-t-il attendre les élections présidentielles de mai 2012 et le changement de gouvernement pour connaitre la réponse.

 
Pauline Chatelan
 

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